Numerus clausus : les raisons de notre position

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Le numerus clausus de notre profession est en débat et les avis sont pour le moins divergents. Après un long débat au sein du conseil d’administration, l’ANSFL  s'est positionné en faveur de la diminution du numerus clausus le 15 septembre dernier.

Quelles sont nos raisons ?

Le nombre de sages-femmes augmente très régulièrement depuis les années 2000. Nous partions de très loin !
Dans son rapport de  1999, la Drees ne recensait que 13 600 sages-femmes  au 1er janvier 1997 - avec une augmentation régulière de 3% par an depuis les années 80 - et tablait sur un chiffre se stabilisant à 17000 SF en 2020. Mais ce chiffre a été dépassé dès 2006 du fait de l'augmentation du NC.

Statistiques de la DREES 

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L'effectif total augmente de 3% par an à partir de 2000 jusqu'en 2010 et de 3.5% /an depuis.

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En parallèle la natalité baisse. En  France métropolitaine, on est passé de 810 00 naissances/an en 2010 à 789 000/an en 2014.

Si le nombre de salariés reste stable (16 668 en 2012 /16 119 en 2016), le nombre de libérales augmente de  + 7,5% par an en moyenne entre 2001 et 2015.

Les activités des libérales se sont élargies avec le PRADO ou le suivi gynécologique de prévention mais les données CNAMTS indiquent cependant  une baisse du nombre moyen d'actes réalisés par les libérales (1 893 en 2010, 1 784 en 2014). Nous pouvons en déduire que l'offre actuelle en libéral correspond aux besoins des femmes.

Par ailleurs, les données montrent que l’acte le plus fréquemment réalisé est la rééducation périnéale (46%). Mais les prescriptions sont - pour le moment - en baisse (cf. recommandations du CNGOF).

"Une femme /une sagefemme"

Ce slogan rassemble toute la profession, soucieuse d'offrir une prise en charge de qualité à chaque femme.

Même en nous basant sur la généralisation des maisons de naissance à la fin de l'expérimentation, le nombre de sage-femme est suffisant. Les sages-femmes québécoises s'engagent à 40 suivis/an pour un équivalent  temps plein.  En 2015, 798 948 accouchements pour  21632 sages-femmes  correspondent à moins de 37 accompagnements par sage-femme (et cela en excluant tout suivi par un médecin du fait du choix des femmes ou de l'existence d'une pathologie).

Les sages-femmes assurent aussi le suivi gynécologique

Certes, mais cette partie de notre exercice ne concerne pas l'ensemble des femmes mais celles qui relèvent d'un suivi de prévention et qui souhaitent faire appel à une sage-femme.

La densité de sage-femme pour 100 000 femmes entre 15 et 49 ans est actuellement de 116 alors qu'elle était de 68 en 1999 (elle serait de 147 en 2030).

Nous venons d'obtenir la possibilité de réaliser les IVG médicamenteuses

Les dernières statistiques disponibles  font état de 229 000 IVG dont 31 771 en ville. Réparties sur les 6193 libérales actuelles, c'est moins de 6 IVG /an et par SF. Même si l'on peut imaginer que  ce chiffre augmente avec un accès plus aisé et plus rapide par le biais des sages-femmes,  ce nombre est conditionné par le souhait des femmes (non seulement le souhait d'une IVG médicamenteuse mais aussi vécue chez elle) et par la brièveté des délais entre la découverte de la grossesse et la décision.

Mais d'autres secteurs s'ouvrent comme la vaccination ou la tabacologie

Ce ne sont que des activités parcellaires, qui peuvent venir renforcer la pratique autour de la famille mais ne peuvent se développer vraiment qu'au risque de modifier totalement la définition de la profession. Est-ce cela que nous souhaitons ?

Dans un contexte de fermeture des petites maternités, de regroupement des établissements et de restrictions budgétaires généralisées, l'activité libérale va se développer

C'est le constat actuel (et le nombre de libérales a été presque multiplié par 3 en 10 ans). Mais ce qui est assuré par les libérales n'est plus réalisé en maternité et cela impactera le nombre de poste de salariés.

Il faudrait aussi développer les postes en PMI, en centre d'orthogénie

Effectivement, mais cela impactera la répartition entre libéral et salarié, pas le nombre de professionnels nécessaires.

Si nous sommes moins nombreuses, cela attirera des sages-femmes  formées à l'étranger

Ce qui attirerait les diplômées étrangères serait les postes vacants. Ils n'existent pas.
A l'inverse, celles qui souhaitent exercer en France peuvent venir y postuler quel que soit le taux d'emploi dans notre pays.

En conclusion

Il existe une réelle problématique de l'emploi pour les sages-femmes et le nombre de professionnels en exercice va continuer à augmenter, même si le numerus clausus est révisé à la baisse.

La précarité de l'emploi est une réalité pour les diplômées les plus récentes. Comme le soulignait déjà Clémence Piveteau dans son mémoire de 2016 :
"Nous pouvons remarquer l’évolution du nombre de sages-femmes en demande d’emploi sur les années 2010 à 2013. Nous voyons bien que ce taux de chômage est en évolution constante vers une augmentation, et a quasiment doublé entre 2010 et 2013 à l’échelle nationale."

On l’observe sur le terrain, cette précarité fait que les sages-femmes ne peuvent plus exercer leur contre-pouvoir. Exercer en toute autonomie, discuter les conduites à tenir, s'opposer, c'est prendre le risque de voir une plus "docile" prendre sa place.

L'ANSFL regrette d'avoir à prendre cette position alors que les femmes pâtissent  du manque de professionnels en maternité. Les sages-femmes en poste sont au bord du burn out et ne peuvent travailler correctement alors que d’autres espèrent pouvoir exercer le métier qu'elles ont choisi.

Une femme une sage-femme reste notre conviction profonde. Nous continuerons à défendre cet objectif (le numerus clausus est révisé chaque année).
Mais prendre mieux soin des femmes ne peut se faire sans prendre soin des sages-femmes.

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http://www.data.drees.sante.gouv.fr/TableViewer/tableView.aspx

http://www.santepaysdelaloire.com/chiffres-et-donnees-de-sante/la-sante-observee/sages-femmes

http://drees.social-sante.gouv.fr/WelNZ/etudes-et-statistiques/publications/recueils-ouvrages-et-rapports/recueils-annuels/panoramas-de-la-drees/article/portrait-des-professionnels-de-sante-edition-2016#Donnees

http://drees.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche20-3.pdf

http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?ref_id=fd-etatcivil2015&page=fichiers_detail%2Fetatcivil2015%2Ftelechargement.htm#fichiernais

http://msssa4.msss.gouv.qc.ca/fr/document/d26ngest.nsf/a50a7ac06e5b0bf6852579590065db1d/8593a7c4b4c66f7485257cb600561b60/$FILE/Entente%20RSFQ%20(2014-2015).pdf

http://www.cngof.fr/pratiques-cliniques/recommandations-pour-la-pratique-clinique/apercu?path=RPC%2BCOLLEGE%252F2015-RPC-POSTPARTUM.pdf&i=2176

Clémence PIVETEAU (mémoire Nantes, 2016) : Quelle insertion professionnelle pour les jeunes diplômé(e)s sages-femmes ? Etude réalisée sur un échantillon de sages-femmes diplômées de l’Ecole de Nantes en 1999, 2000, 2001 et en 2011 et 2012

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